8 mars 2017 : Les droits des femmes ne sont pas là pour faire tapisserie !

C’est avec consternation que l’Inter-LGBT a appris la décision de Denis Baupin d’attaquer en justice les quatre élues qui avaient dénoncé ses agissements et les médias qui avaient relayé leurs accusations alors même que le communiqué du procureur précise « Il apparaît que les faits dénoncés (…) sont pour certains d’entre eux susceptibles d’être qualifiés Pénalement », même s’ils sont prescrits. Nous dénonçons fermement une telle attitude de la part d’un élu, qui va encore renforcer la loi du silence et décourager les femmes de porter plainte par peur des représailles.

L’Inter-LGBT demande instamment aux pouvoirs publics de réaliser l’ampleur du phénomène et de faciliter l’accès à la justice des femmes victimes d’agression, de harcèlement ou de discrimination car les souvenirs des violences subies, eux, ne sont pas prescrits.

Il est inadmissible que l’on ne fasse pas respecter le droit et que l’on minimise des violences, parfois quotidiennes, dont est victime la moitié de la population ! L’Inter-LGBT considère que la lutte contre le sexisme, contre les discriminations et agressions dont sont victimes les femmes et les hommes trans, doit être une priorité absolue et appelle à se joindre aux divers événements et manifestations prévus partout en France à l’occasion du 8 mars.

Mettre fin au sentiment d’impunité
A chaque non prise de plainte, à chaque abandon de poursuites, le sentiment d’impuissance des femmes et celui de toute puissance des agresseurs, sont renforcés. Engendrant un cercle vicieux, les comportements sexistes s’en trouvent sinon légitimés, du moins minimisés : seules 11 % des victimes d’un viol ou d’une tentative de viol (en dehors du ménage) ont déposé plainte et uniquement 2 % des victimes d’une autre agression sexuelle. Même si un premier pas a été fait pour faciliter la poursuite des agresseurs en portant à 6 ans le délai de prescription1, il faut faciliter la prise de plainte et aménager la prescription en cas de liens de dépendance entre la victime et son agresseur. Ceci est d’autant plus urgent que 42 % des victimes de violences sexuelles ont moins de 30 ans (parmi les 18-75 ans)2.

Prendre en compte toutes les dimensions des violences sexistes
Actuellement, malgré les recommandations de la Commission Européenne Contre le Racisme et l’Intolérance (ECRI) et le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes qui demandent de « prévoir la possibilité de traiter conjointement les multiples cas de discrimination », la pratique du droit et les institutions de lutte contre les discriminations ne prennent presque jamais en compte les phénomènes de discriminations multiples. Ainsi, une femme victime d’une agression lesbophobe ne verra que la dimension homophobe ou sexiste de l’acte prise en compte, niant ainsi une partie de la violence subie, mais aussi limitant la valeur pédagogique de l’éventuelle sanction.

Lutter contre la banalisation du cybersexisme
Internet, et tout particulièrement les réseaux sociaux, est un lieu privilégié du sexisme de masse et du harcèlement à caractère sexuel. Cachés derrière des pseudonymes, nombreux sont ceux ou celles qui n’hésitent pas à tenir des propos insultants et discriminatoires. Ainsi, 21 % des collégiennes déclarent avoir connu au moins une cyberviolence3 (insultes, humiliations ou menaces diffusées sur les réseaux sociaux, par courriel ou SMS) et 17 % des jeunes filles déclarent avoir été confrontées à des cyberviolences à caractère sexuel par le biais de photos, vidéos ou messages envoyés sous la contrainte, diffusés sans l’accord ou reçus sans en avoir envie4. Pourtant, la plateforme PHAROS, qui lutte contre les contenus illicites sur Internet, n’a pas le sexisme dans ses compétences et ne dispose que d’un effectif bien trop restreint au vu de l’ampleur de la tâche ! La responsabilité des hébergeurs et éditeurs doit être engagée.

C’est pourquoi nous demandons que :
– la lutte contre le sexisme soit intégrée de manière transversale dans toutes les politiques publiques et ne soit pas cantonnée à une direction ou un ministère spécialisé, souvent dépourvu de moyens et dont l’existence même semble parfois dédouaner les autres de toute action en faveur des femmes.
– soit effective la mise en place sur tout le territoire d’un réseau de policiers et de gendarmes référents pour les femmes, femmes trans et hommes trans victimes de violence, avec une personne formée pour la prise de plainte et l’accompagnement des victimes dans chaque commissariat.
– dans le cas où la victime de harcèlement sexuel ou moral est en situation de dépendance morale et/ou économique par rapport à son harceleur, le délai de prescription ne coure qu’à partir du jour où la dépendance a pris fin, libérant la parole de la victime
– le droit français, ou au moins sa mise en œuvre, évolue pour permettre de mieux faire valoir les discriminations fondées sur plusieurs motifs discriminatoires combinés.
l’extension au sexisme des compétences de la plateforme PHAROS qui permet de signaler les contenus illicites sur Internet et le renforcement de ses moyens matériels et humains avec la création d’une cellule dédiée au sexisme avec des enquêteurs dédiés spécialement formés.

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Notes :
1La loi du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale (retour au texte)
2Rapport d’enquête « cadre de vie et sécurité », Ministère de l’intérieur, 2016, chiffres 2011-2015 (retour au texte)
3« Un collégien sur cinq concerné par la cyberviolence » Écoles, établissements, climat scolaire – Note d’information – N° 39, Ministère de l’éducation nationale, novembre 2014 (retour au texte)
4Cybersexisme : une étude sociologique dans des établissements scolaires franciliens. Centre Hubertine Auclert. Septembre 2016. (retour au texte)