Une année sera-t-elle suffisante pour obtenir de réelles avancées sous la mandature d’Emmanuel Macron ?

L’édition 2021 de l’IDABLHOTI sera la dernière avant la fin du quinquennat, l’occasion de revenir sur 4 années d’un mandat surtout marqué par le décalage entre une communication bien huilée et un bilan pourtant très faible. S’il fallait un seul exemple : les agressions LGBTQIphobes sont en augmentation constante depuis 2015 au point qu’aujourd’hui 68% des Français estiment que le gouvernement ne lutte pas contre les discriminations[1]. C’est un désaveu conséquent pour une administration qui instrumentalise constamment la situation des personnes LGBTQI+ en France à sa propre gloire.

Paroles, paroles et paroles…

Seule avancée du gouvernement : la finalisation avec 1 an et demi de retard du plan national d’actions contre les LGBTQIphobies. Si le plan avance les budgets alloués à la DILCRAH eux stagnent. Au-delà du vernis des belles annonces quelles avancées palpables pour les personnes LGBTQI+ alors que les chiffres de SOS homophobie prouvent une recrudescence année après année des actes LGBTIQIphobes ? Comment mettre en place de nouvelles mesures sans allouer aux ministères concernés les moyens nécessaires à leur mise en œuvre ? Là encore le gouvernement applique la même méthode : faire toujours plus avec toujours moins.

Au-delà du vernis de la communication gouvernementale la réalité est sans appel : le France n’est classé que 13ème selon la nouvelle mise à jour de l’index Rainbow Europe[2] (publiée par ILGA Europe) en raison de l’absence de mesures concrètes et quantifiables notamment concernant les droits des personnes intersexes, l’interdiction des thérapies de conversion, l’ouverture de la PMA à tou·te·s ou encore la concrétisation du Plan national d’actions. 

La PMA pour tou·te·s, l’arlésienne du quinquennat

Après 4 ans de mandat le constat est sans appel : toujours pas d’ouverture de la PMA à tou·te·s à l’horizon. Force est de constater que l’ouverture de la PMA est loin d’être une priorité pour le président de la République et le gouvernement. Alors que les grands projets de lois de la mandature passent en procédure accélérée, l’examen du projet de loi bioéthique traîne de lecture en lecture… Après l’échec totalement prévisible de la commission mixte paritaire, il faut encore trois lectures pour que le projet de loi puisse être définitivement adopté. Va-t-on pouvoir les inscrire au calendrier parlementaire, alors même que la prochaine date d’examen par l’Assemblée nationale n’est toujours pas fixée ? Malgré les promesses du gouvernement, on ne peut que s’en inquiéter !

De plus, le texte reste incomplet, en continuant d’exclure les personnes trans de la PMA, en revenant sur les avancées jurisprudentielles pour la protection des enfants né·e·s de GPA et en prévoyant des modalités de filiation insatisfaisantes pour les couples de même sexe. Et pendant que ces années de discussions, les femmes sont encore contraintes d’aller à l’étranger pour avoir des enfants quand elles sont en couple de même sexe ou souffrent d’infertilité, dans un contexte sanitaire rendant les déplacements particulièrement complexes.

La PMA pour tou·te·s aura définitivement été l’arlésienne de ce quinquennat. Peut-être la peur de stigmatiser les opposants, comme l’avait dit le candidat Emmanuel Macron ?

Un manque flagrant d’investissements solidaires à l’étranger

Alors que le Parlement adopte actuellement la loi « relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales », la place de la France dans les acteurs de la solidarité internationale LGBTQI+ est toujours aussi faible. Avec une participation directe annuelle d’à peine 110.000€ en matière d’aide au développement, la France est l’un des pays riches les plus pingres dans le soutien au mouvement LGBTQI+ mondial. En comparaison la Suède ou les Pays-Bas, avec des PIB pourtant inférieurs à la France, investissent respectivement 6x et 8x plus que le France dans le soutien aux organisations de la société civile LGBTQI+.

Le gouvernement cite souvent l’Allemagne comme exemple : à elles seules les ambassades allemandes à l’étranger investissent 6x plus, sans même compter les sommes débloquées par le ministère fédéral des affaires étrangères depuis Berlin.

Toujours pas d’avancées dans la sécurisation des droits des personnes intersexes

Autre point noir dénoncé par ILGA-Europe depuis des années : le refus d’avancer sur l’interdiction des mutilations des personnes intersexes. Une occasion s’était pourtant présentée au Parlement à l’automne 2019 mais les amendements ont été rejetés à 89 contre 19. Le seul amendement adopté sanctuarise les « centres de référence » enfermant toujours plus les personnes intersexes dans un parcours médicalisant.

La France continue donc d’autoriser des opérations chirurgicales invasives et irrémédiables, en violation totale de l’intégrité physique des concerné-e-s, et pourtant sans obligation de santé et sans le consentement éclairé des enfants victimes ; et ce alors même que les graves séquelles des mutilations sur les personnes intersexes sont unanimement dénoncés par l’ONU comme par le Défenseur des Droits depuis 2018[3].

L’inaction parlementaire sur l’interdiction des « thérapies de conversion »

Dénoncées à de nombreuses reprises, reconnues comme de la torture lorsqu’elles sont menées de force, les « thérapies de conversion » qui prétendent modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, sont un véritable fléau. À l’appel du Parlement Européen en 2018, plusieurs États membres ont renforcé leur législation pour les interdire (Malte, Allemagne), et d’autres s’organisent dans cette même direction (Belgique, Pays-Bas).

En France, fin 2019, la mission « flash » parlementaire, menée par les députés·e·s Laurence Vanceunebrock et Bastien Lachaud, mettait en évidence l’existence de ces pratiques en France et les limites de l’arsenal juridique pour les interdire.

La France doit renforcer son dispositif législatif et accentuer ses efforts pour bannir ces « thérapies de conversion » mais à ce jour, rien n’est inscrit dans le calendrier législatif pour y remédier, malgré les nombreuses prises de paroles publiques et une proposition de loi pendante sur ce scandale.

L’Inter-LGBT exprime une nouvelle fois son impatience et sa colère après 4 années du mandat d’Emmanuel Macron sous le signe d’atermoiements perpétuels. Devrons-nous dans un an faire le constat que sa présidence aura été marquée par un bilan nul sur les avancées réelles des droits des personnes LGBTQI+ ? Nous ne pouvons plus nous contenter d’une succession de plans d’actions pluriannuels s’ils ne sont pas enfin ponctués d’actions concrètes pour la défense des personnes LGBTQI+ !


[1] https://fra.europa.eu/en/publication/2020/eu-lgbti-survey-results

[2] https://www.rainbow-europe.org

[3] https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=17924