26 avril : journée de la visibilité lesbienne

L’omission systématique des femmes lesbiennes, trans ou cis, du discours public – et ses impacts graves sur la sécurité́ des personnes, le respect de leur intégrité́, leur capacité́ à se penser et à se dire elles-mêmes – vit des jours heureux, à peine perturbés lorsque sporadiquement se pose la question de la « visibilité́ ».

Mais la visibilité́ est-elle le sujet ? N’est-il pas plutôt question de reconnaissance ? De droit à prendre la parole pour soi ? D’espaces sûrs où le faire, entre personnes souhaitant mettre en commun la spécificité́ de leurs vécus ? D’espaces collectifs où être vue, entendue, considérée sans que cela soit au terme d’une lutte subtile contre les nombreux stigmates qui viennent déposséder une femme de sa capacité́ d’expression ?

Plutôt que de visibilité, fait qui semble implicitement incomber à la personne concernée, n’est-il pas plutôt question d’accorder aux femmes lesbiennes le juste respect et traitement égalitaire qu’elles réclament depuis des années de façon qui n’est invisible qu’à celle et ceux que cela n’intéresse pas ?

Lorsque, dans le domaine du travail, les chiffres publiés par la Défenseure Des Droits lors de la restitution du 13ème baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi[1], il apparait que les premières victimes de discriminations dans l’emploi sont les femmes non blanches de moins de 50 ans et/ou en situation de handicap et/ou transgenres ou homosexuelles, il y a urgence à prendre en compte la surexposition de certains groupes d’individus aux discriminations et à appeler les employeurs à définir des plans annuels qui prévoient des dispositifs spécifiques.

Seuls 37% des lesbiennes sont « out » au travail, contre plus de la moitié des gays, selon un rapport du BCG publié en octobre 2020[2]. Que met-on en œuvre aujourd’hui pour que les femmes à la croisée des multiples discriminations ne soient pas exclues de l’emploi ? 

Lorsque l’on sait qu’être une femme lesbienne ou bisexuelle est synonyme d’une « surexposition aux violences physiques, psychologiques et sexuelles » dans les sphères familiales (16% des agressions lesbophobes) et les espaces publics (19%)[3], c’est que le sujet est plutôt de prendre en compte que le regard porté sur les femmes concernées varie entre hyper-sexualisation et déshumanisation.

Une étude du ministère de l’Intérieur sur les violences conjugales en 2018 mettait en lumière que 3 femmes étaient mortes assassinées par leurs conjointes et une étude du William Institute parue en 2015[4] et citée par le communiqué du réseau LGBTQ, 25 à 40,4 % des femmes en couple homosexuel auraient déjà̀ subi des violences conjugales. Étude qui n’a pas eu l’air d’être conduite en France, car pour cela il faudra penser le couple lesbien comme autre chose qu’une fiction. 

Pourtant, il est également urgent d’inclure ces représentations dans les campagnes de prévention contre les violences pour que les victimes puissent se penser, se dire, et surtout oser porter plainte.

La stigmatisation institutionnelle qui touche à toutes les sphères (éducation, santé, emploi) empêche les femmes lesbiennes d’exister librement hors de la crainte constante de la violence sexuelle et sexiste. Les femmes ne sont pas des sous-citoyens et les femmes lesbiennes ne sont pas une sous-classe des femmes hétérosexuelles, trop minoritaires ou accidentelles pour être prises en compte dans le débat de société́. Plus que tout, elles peuvent se dire elles-mêmes, choisir leurs lieux, leurs compagnies et leurs discours sans nécessiter une présence tierce pour les protéger du grand danger d’être elles-mêmes. 


[1] https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/communique-de-presse/2020/12/13eme-barometre-de-la-perception-des-discriminations-dans-lemploi-des

[2] https://www.bcg.com/fr-fr/press/9october2020-inclusion-lgbtq-en-entreprise

[3] Rapport annuel de SOS homophobie de 2020

[4] https://williamsinstitute.law.ucla.edu/publications/ipv-sex-abuse-lgbt-people/