NON, LA LUTTE CONTRE LA HAINE NE SAURAIT JUSTIFIER LA CENSURE !

Communiqué de presse du 08/07/2019

L’Inter-LGBT s’inquiète fortement du contenu de la proposition de loi visant à lutter contre la haine sur internet en cours d’examen à l’assemblée nationale. Elle dénonce des mesures entrainant une privatisation de la justice qui aura pour conséquence une limitation dramatique et injustifiée de la liberté d’expression. Si la lutte contre les discours de haine, dont la haine contre les personnes lesbiennes gaies bies et trans, mais aussi les femmes, les personnes racisées, en situation de handicap, séropositives… est indispensable, les mesures envisagées par cette proposition de loi ne sont ni conformes à l’état de droit ni adaptées à la situation.

L’Inter-LGBT regrette que cette proposition de loi n’ait pas été précédée d’une étude d’impact, ni par des auditions d’actrices et d’acteurs du monde judiciaire. Le résultat est, à notre sens, celui d’un nouveau texte de circonstances, contraire à l’esprit et à la lettre de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, dont l’article 11, dispose que « la libre communication des pensées et opinions est un des biens les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».

L’Inter-LGBT, consciente du caractère insupportable des discours de haine sur internet et dans l’espace public, considère qu’avec ce texte, les mauvaises réponses sont données à de bonnes questions, et que ce les victimes doivent avoir le droit à un accès facilité et rapide au juge, et non pas à une censure mise en œuvre par des algorithmes devenus tout puissants, ignorant toute la difficulté du contentieux propre au langage, qui nécessite l’intervention d’un juge spécialisé pour en apprécier les subtilités. L’argument budgétaire, tout comme l’argument procédural ne saurait être invoqué pour légitimer cette privatisation. Le juge est le garant de l’état de droit et la justice doit avoir les moyens humains et matériels de traiter toutes les plaintes dans un délai adéquat.

Les mesures envisagées par l’article 1 font peser une menace disproportionnée sur la liberté d’expression. Sous la menace d’une très forte amende, les plateformes, comme en Allemagne, risquent de procéder à des retraits massifs de contenus, dont bon nombre de retraits abusifs. Nous n’oublions pas que dans d’autres pays, c’est la « promotion de l’homosexualité » qui est pénalisée et que face à des signalements massifs, des contenus positifs pour les personnes LGBTI peuvent être censurés. L’Inter-LGBT s’inquiète aussi de l’impact de ces mesures sur les plateformes non commerciales, qui s’appuient sur des modérateurs bénévoles et auront de grandes difficultés à faire des retraits en 24h. Elles verront leur existence menacée au profit des géants commerciaux d’internet.

L’Inter-LGBT dénonce également avec fermeté la nouvelle stigmatisation de celles et ceux qui seraient coupables « d’aider, d’assister ou de protéger la prostitution d’autrui ». Cette mesure exposera une fois de plus les travailleurs et travailleuses du sexe des plateformes en ligne, des violences en les poussant à travailler en extérieur et en les privant de l’entraide communautaire.

L’Inter-LGBT regrette que cette proposition de loi ne s’attache qu’aux symptômes de la haine en ligne, mais jamais à ses causes. Le texte de loi ne s’attache qu’aux contenus, mais jamais aux auteurs. Or derrière les publications haineuses se cachent des utilisateurs de profils très différents. L’Inter-LGBT rappelle que pour lutter contre un comportement, le plus efficace est de toujours proposer une réponse pénale, allant du simple rappel à la loi à des peines de prison en passant par des stages éducatifs. Pour que ces mesures soient effectives, nous en appelons une nouvelle fois à une très conséquente augmentation des moyens de PHAROS et à l’extension de ses compétences à la haine contre à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur état de santé ou de leur handicap.

Enfin, L’Inter-LGBT déplore que les mesures de prévention ou de sensibilisation des utilisateurs, quel que soit leur âge, ne soient pas au cœur du texte. Pour les jeunes en âge scolaire, il faut mettre en place non seulement une éducation aux aspects techniques du numérique et aux mécanismes des réseaux sociaux, mais aussi un apprentissage de l’analyse critique des contenus. Plus largement, ce sont tous les utilisateurs qui devraient être sensibilisés, et devraient avoir connaissance des mécanismes de signalement aux autorités.

En conséquence, l’Inter-LGBT appelle les parlementaires à voter contre l’article 1 et à proposer une refonte complète du texte pour mettre en place une réforme qui s’attache aux personnes autant qu’aux contenus. Une réforme construite d’une part autour de la prévention des utilisateurs et d’autre part autour de l’intervention d’un juge spécialisé qui apporterait une réponse adaptée aux comportements haineux.