Un virus ne doit pas en cacher un autre

2020 restera pour beaucoup une année que nous aimerions vite oublier à cause de la pandémie de Covid-19, mais pas toujours pour les mêmes raisons. Pourquoi ? Parce que cette pandémie n’a pas fait que de milliers de morts et des dégâts dans notre économie mais elle a mis en évidence et amplifié des difficultés que les associations dénoncent depuis plus de 30 ans, depuis l’apparition du virus du Sida et la journée du 1er décembre est là pour nous le rappeler.

Les comparaisons sont nombreuses avec ce que nous subissons depuis tout ce temps, en tant que séropositif·ve·s surtout et séronégatif·ve·s des communautés les plus touchées : errements dans la mise en place d’une politique de prévention cohérente et efficace, accès généralisé au dépistage, attente de traitements qui guérissent, attente d’un vaccin, prise en charge et accompagnement des personnes atteintes à l’hôpital et en ville, populations les plus minorisées et précarisées, laissées de côté.

Depuis des années, nous faisons régulièrement face à des pénuries de médicaments anti-rétroviraux et dénonçons la logique des laboratoires pharmaceutiques de vouloir faire toujours plus de profits en développant de nouveaux traitements aux effets secondaires moins délétères ou plus faciles à prendre (combo, injection) juste avant l’expiration des brevets des anciennes formules, en délocalisant leur production et en privilégiant les recherches vers des pathologies plus « rentables ». Nous le constatons actuellement avec cette course aux vaccins anti-Covid qui demandera des milliards de doses et sera donc plus lucrative qu’un vaccin contre le VIH attendu depuis plus de 30 ans.

Nous pourrions alors penser que nous en faisons plus pour le dépistage et la réduction des risques. Là aussi les conséquences de la crise sanitaire sont rudes et mettent en exergues la difficulté de notre système de santé à faire face à une situation de tension : une baisse importante des dépistages du VIH[1] et une diminution importante des prescriptions de PrEP depuis le 1er confinement qui perdure jusqu’à maintenant. Cela met en avant le manque de moyens des centres de santé sexuelle communautaires et les difficultés à recevoir le public concerné, le personnel étant redéployé sur les services de traitement de la Covid-19 notamment, alors que la découverte de sa séropositivité lors de son premier dépistage de sa vie est toujours trop importante (51%), et l’absence de politique volontariste du Ministère.

Cela amène à l’aggravation de l’isolement des PVVIH avec le confinement et la rupture de suivi des soins en présentiel (exemple bichât et la téléconsultation lors de la première vague).

Il est temps que les choses changent, c’est pourquoi, l’Inter-LGBT et ses associations membres réitèrent plus que jamais à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida leurs revendications pour une politique ambitieuse de santé sexuelle et de lutte contre le VIH, les hépatites et les IST :

  • Privilégier la prévention combinée plutôt que les logiques de répression, notamment sur l’usage de drogues, les lieux de drague ou le travail du sexe ;
  • Intensifier les campagnes de prévention et de sensibilisation et les actions de dépistage, dans l’espace public et les milieux communautaires, en particulier auprès des populations clés (HSH, personnes trans, usagers·s de drogues, détenu·e·s, travailleur·se·s sexuel·le·s, migrant·e·s) ;
  • Lutter contre la sérophobie dans le corps médical (refus de soins), au sein des communautés LGBTQI, dans la vie quotidienne ;
  • Développer une offre de santé adaptée aux besoins spécifiques des personnes vulnérables avec l’ouverture de centres de santé privilégiant l’approche communautaire ;
  • Élargir les dispositifs d’accès gratuit et sans condition au dépistage, comme la possibilité de réaliser une sérologie VIH sans avance de frais et sans ordonnance dans un laboratoire d’analyse et de biologie médicale de proximité, dispositif expérimenté à Paris et en PACA ainsi que les autotests
  • Élargir la vaccination contre les HPV (papillomavirus) à tout le monde, sans distinction de genre et d’âge et en la remboursant à 100% ;
  • Intensifier les campagnes et actions de dépistage en particulier auprès des groupes les plus exposés (VIH, HPV, Hépatites et IST);
  • Augmenter les moyens financiers, accordés par le ministère, les ARS, les régions, les municipalités, aux centres de santé dans toutes les régions, et aux associations ou au développement d’actions de santé sexuelle ;
  • Faciliter l’accès aux traitements post-exposition et à la PrEP, et en améliorant l’information de ces dispositifs.

« Santé bafouée : LGBTQI+ en danger ! », tel fut le mot d’ordre de la Marche des Fiertés LGBTQI+ « Autrement » de Paris Ile-de-France. Les nouvelles pandémies ne doivent pas nous faire détourner le regard ou nous faire oublier les autres, toujours présentes. Les moyens de santé publique ne doivent pas être détournés, et doivent, au contraire, être renforcés. Face au VIH/sida, le combat ne doit jamais faiblir, nous devons toujours rester vigilant·e·s.


[1] Bulletin de Santé Publique Surveillance du VIH et des IST bactériennes de décembre 2020 – Santé Publique France