Octobre rose : tou·te·s concerné·e·s !

En France, en 2018, près de 65000 cas de cancers du sein ont été dépistés. L’opération Octobre Rose est l’occasion de rappeler qu’un dépistage précoce augmente les chances de guérison. Pourtant, les campagnes de prévention ne ciblent pas toutes les personnes concernées, notamment dans notre communauté LGBTQI+. L’Inter-LGBT a décidé cette année de réparer cet oubli.

Il est nécessaire de rappeler que, même si les premières touchées sont l’ensemble des femmes (cis, trans, intersexuées) le cancer du sein peut atteindre toutes les personnes ayant des glandes mammaires c’est-à-dire chacun·e d’entre nous, quelle que soit notre orientation sexuelle, notre identité de genre, que l’on soit une personne dyadique ou intersexuée.

Si certains facteurs liés à la génétique (mutation du gène héréditaire BRCA1 et BRCA2) et à l’hygiène de vie (alcool, tabac etc) augmentent le risque d’apparition d’un cancer, d’autres sur-risques liés aux hormones, à l’état de santé et à l’âge sont à prendre en compte.

L’impact des traitement hormonaux chez les personnes trans

Les hommes trans sont, bien entendu, également concernés et pourtant aucune campagne de dépistage ne leur est consacrée par les pouvoirs publics. Moins il y a de glande mammaire, moins le risque est élevé, c’est pourquoi la mastectomie a un impact positif contre le développement d’un cancer. Il subsiste toutefois quand celle-ci n’est pas totale, notamment pour assurer la vascularisation des tétons. La surveillance est donc la même que pour les femmes cis en cas d’absence de mastectomie et annuelle si elle a eu lieu, notamment avec péri-aréolaire. Nous nous interrogeons sur l’impact des traitements hormonaux, qu’une mastectomie ait été réalisée ou non.

Des études récentes[1] révèlent que les femmes trans, en prenant leur traitement à base d’anti androgène et d’œstrogène, augmentent fortement leur risque de cancers, le taux devenant 46 fois supérieur à celui des hommes cis. Il reste inférieur à celui des femmes cis, par contre il en prend les mêmes formes et même caractéristiques. Il est donc primordial d’établir les mêmes formes de préventions et surtout des délais de dépistage (palpations annuelles et mammographie si besoin) entre les femmes trans sous traitement et les femmes cis.

Situation pour les personnes intersexuées

Certaines tumeurs du sein sont hormonosensibles[2], c’est-à-dire que les hormones féminines (œstrogènes, progestérone), naturellement produites par l’organisme, stimulent leur croissance. Que devons-nous en conclure chez les personnes intersexuées mises sous bloqueurs de testostérone et amplificateurs d’œstrogènes[3] au regard des effets rapportés sur les femmes trans ?

La Haute Autorité de Santé[4] considère que d’un point de vue théorique, « les femmes prenant une substitution ostrogénique à des doses physiologiques ne devraient pas avoir une augmentation du risque de cancer du sein en comparaison à des femmes ayant une production endogène d’œstrogènes ovariens » d’où des recommandations de dépistage similaires aux femmes cis-genres sans insensibilité aux androgènes.

De plus, il y aurait une diminution de ce risque chez les femmes présentant une insuffisance ovarienne mais prenant un traitement hormonal substitutif comparé aux femmes ménopausées. Chez les femmes de 40 à 50 ans, l’incidence du cancer du sein est la même qu’elles prennent ou non un THS.

Évidemment très peu d’études abordent les diverses situations des personnes intersexuées…

Une vulnérabilité plus grande des personnes vivant avec le VIH ?

Si en France les recommandations concernant le dépistage de ce cancer chez les personnes vivant avec le VIH sont les mêmes que celles pour les personnes séronégatives, une étude brésilienne de 2011[5] a montré que les cancers du sein apparaissent 10 ans plus tôt chez les personnes vivant avec le VIH. Développement précoce mais aussi plus rapide. La prise en charge de ces cancers doit aussi prendre en compte les possibles interactions médicamenteuses entre anticancéreux et antirétroviraux, alors que peu de séropositif·ve·s sont inclus·e·s dans les essais cliniques sur les anticancéreux.

Enfin, n’oublions pas les hommes cis séronégatifs, eux aussi concernés, d’autant plus quand ils avancent en âge, après 50 ans, puisque près de 500 cas sont détectés chaque année, représentant 0,5 % des cancers masculins. Pour ceux porteurs d’une mutation du gène BRCA2, le risque est de 6% de développement d’un cancer[6].

Rappeler encore et toujours la nécessité d’un dépistage régulier

Pourtant des solutions existent et pourraient éviter à un nombre important de cancers de se développer.

L’autopalpation est un geste à adopter. Personne ne connait mieux votre corps que vous-même et ce geste peut permettre d’identifier des grosseurs inhabituelles. Voir ce tuto en dessin : https://www.cancerdusein.org/le-depistage/lauto-examen-des-seins et la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=FZvckWXec6w.

L’examen mammaire par palpation par un·e professionnel·le de santé (médecin généraliste, sage-femme, infirmier·e est recommandée une fois par an à partir de 25 ans. La mammographie est à réaliser tous les 2ans à partir de 50 ans jusqu’à 74 ans (dès 40 ans en cas d’antécédents familiaux) et tous les ans en cas de détection d’un niveau de risque élevé. En cas de présence d’implants mammaires en silicone, une mammographie spécifique, dite diagnostique, est nécessaire pour une meilleure visibilité. L’opportunité de réaliser une IRM est à envisager dans certains cas.

Un déficit de communication, en particulier envers les LGBTQI+

Encore faut-il que l’information soit diffusée et atteigne toutes les populations cibles, et en leur offrant des lieux sensibilisés proposant un environnement inclusif et bienveillant pour tou·te·s. Le non-recours au dépistage s’explique en partie par le niveau d’étude et la précarité économique et matérielle de la personne, mais également par les discriminations du corps médical notamment en raison de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre qui éloignent les personnes des structures de santé.

L’Inter-LGBT souhaite interpeller le corps médical et les institutions de santé publique (généralistes comme spécialistes) pour que soient formé·e·s et sensibilisé·e·s les praticien·ne·s afin d’être attentive à tout.te.s les patient·e·s concerné·e·s. Il faut adapter notre système de sécurité sociale afin de permettre les consultations gynéco pour tou·te·s, peu importe notre numéro (1 ou 2) tout en formant les personnel·le·s de santé à l’accueil de toutes les populations concernées sans distinction de genre.

 

L’Inter-LGBT, devant l’absence de campagnes à destination de toutes ces catégories de personnes, lancera prochainement une grande campagne d’information afin d’inciter chacun·e d’entre elles à se faire dépister le plus précocement possible et appelle les autorités et organismes à, elles aussi, prendre ce sujet en compte.

[1] https://www.lequotidiendumedecin.fr/archives/le-risque-de-cancer-du-sein-chez-les-femmes-transgen res-est-faible-mais-non-negligeable

[2] https://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Les-cancers/Cancer-du-sein/Hormonotherapie

[3] https://amnestyfr.cdn.prismic.io/amnestyfr%2F33944a14-7898-424a-bc2d-3cdcb6d45365_eur_01-608 6-2017_first+do+no+harm_fr.pdf (p.8)

[4] Protocole national de diagnostic et de soins (PNDS) de la HAS

[5] Andrade AC, Luz PM, Veloso VG, Cardoso SW, Moreira RI, Grinsztejn B, Friedman RK. Breast cancer in a cohort of human immunodeficiency virus (HIV)-infected women from Rio de Janeiro, Brazil : a cases series report and an incidence rate estimate. Braz J Infect Dis. 2011 Aug ;15(4):387-93

[6] https://www.brcafrance.fr/suivi-brca/

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