Dernière exécution pour homosexualité en France

Madame la Maire de Paris, Monsieur le Maire honoraire de Paris, Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, Mesdames et Messieurs les maires d’arrondissement, Mesdames et Messieurs les élu-e-s, Mesdames et Messieurs les porte-drapeaux, Mesdames et Messieurs les présidentes et présidents d’associations, Cher-e-s ami-e-s,

Le 6 juillet 1750 Bruno Lenoir et Jean Diot furent menés en place de grève pour y être brûlés vifs au seul motif de l’acte sodomite qu’ils auraient commis quelques semaines auparavant. Plus de deux siècles et demi après ce jour funeste, nous inaugurons ensemble, à l’endroit même où ils furent arrêtés, une plaque rappelant leur calvaire. Ajoutons que ce 18 octobre n’est pas un jour anodin, puisque c’est aujourd’hui que l’Existrans, la marche des personnes trans, débutera dans moins d’une heure.

Après Nancy, Toulouse et Mulhouse, Paris rend donc hommage, dans la pierre, aux victimes de la barbarie humaine commise en raison de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre.

Nous saluons plus particulièrement Monsieur Bertrand Delanoë, Maire honoraire de Paris, Madame Anne Hidalgo, Maire de Paris, Madame Catherine Vieu-Charier, adjointe à la Mémoire, Monsieur Ian Brossat, adjoint au logement, Madame Hélène Bidard, adjointe à l’égalité femmes–hommes, la lutte contre les discriminations et les droits de l’homme et Jacques Boutault, Maire du 2e arrondissement, pour avoir rendu possible cet événement important. Lenoir et Diot sont entrés dans l’histoire parce qu’ils sont les derniers à avoir été condamnés à mort, en France, au motif d’une relation homosexuelle. Le 6 octobre 1791 l’Assemblée nationale législative dépénalisa l’homosexualité. Malgré cela, les lesbiennes, les gays, les bi et les trans ont dû encore endurer l’ostracisme, puis, aux heures sombres de notre histoire, la déportation, et, la paix revenue, le « fléau social » et le « douloureux problème », avant que l’Assemblée Nationale abroge enfin, le 4 aout 1982, les dispositions du régime de Vichy qui pénalisaient l’homosexualité. Rappelons ici que parmi les 82 pays qui condamnent encore l’homosexualité, huit, la punissent de mort ! À cet égard la diplomatie française doit œuvrer pour que cessent ces crimes.

En France, l’histoire des personnes LGBT pourrait ainsi être résumée par une longue chaine d’actes abominables, cassée par l’immense avancée de la Révolution française, malheureusement éclipsée par les années sombres du XXe siècle. Mais qui se souviendra encore de cette histoire, de ses moments d’horreur mais aussi de ses instants d’espoir si le souvenir des faits n’est pas entretenu ?

Le 16 mai 2009, à la veille de la journée internationale contre l’homophobie et la transphobie, l’association Les « Oublié-e-s » de la Mémoire – membre de l’Inter-LGBT – rassemblait autour du Mémorial des Martyrs de la Déportation, la secrétaire d’État aux Droits de l’Homme, des élus de Paris, des représentants associatifs LGBT et un large public pour rendre hommage aux victimes des LGBT-phobies dans l’Histoire.

Cette occasion a permis de souligner l’absence d’un lieu spécifique, en France, pour exercer le devoir de mémoire en souvenir des victimes de LGBT-phobies. Qui se soucie aujourd’hui de Lenoir, de Diot et de tant d’autres, victimes à des degrés divers d’une homophobie savamment orchestrée depuis des siècles. Pourtant le souvenir est fondamental parce qu’il prévient la dérive, interroge en permanence les consciences, rappelle l’horreur mais permet aussi de défendre ce qui se fait de plus beau et de plus juste.

Le devoir de mémoire est une responsabilité citoyenne. Il doit s’imposer à tou-te-s, a fortiori dans un pays qui se revendique comme l’un des chefs de file de la lutte en faveur des droits humains. Il ne s’agit pas ici de plaider pour la concurrence victimaire mais de souligner que la république ne se déshonore pas quand elle reconnait aussi les victimes de la lesbophobie, de la gayphobie, de la biphobie et de la transphobie.

Les récentes attaques des forces réactionnaires contre l’école publique, la négation de l’égalité entre les femmes et les hommes, les manifestations de haine qui déferlent encore dans nos rues, nous rappellent l’extrême fragilité de nos acquis et l’obligation de les défendre. La masse des homophobes est toujours bien présente, profitant des faiblesses des uns, des peurs des autres, attisant la haine, égarant la raison. Face à ces extrémismes exacerbés il n’existe qu’un seul rempart : l’éducation.

Voilà donc pourquoi le souvenir et la mémoire doivent être transmis. Avec cette plaque aujourd’hui, avec un monument demain, et au quotidien grâce à l’éducation, ce sont les valeurs de la République que nous contribuons à transmettre.

Crédit photo : Gerard Koskovich