Luttes contre les LGBTIphobies : la France en recul, pas les violences

Au-delà d’annonces publiques tapageuses, le manque d’engagement sur la longueur des autorités fait que la France passe de la 7ème à la 10ème place des pays européens les plus engagés en faveur d’une pleine égalité pour les personnes LGBTI+ selon Carte Arc-en-Ciel » annuelle d’ILGA Europe[1]. Là où d’autres pays progressent à vitesse constante, voire mettent les bouchées doubles, la France s’enlise et refuse d’avancer sur certains sujets essentiels.  

Alors que les rencontres autour du renouvellement du “plan national d’actions LGBT+” se poursuivent et s’enlisent en France, l’Islande de son côté vient d’inclure, et en pleine concertation avec les associations de personnes concernées, la protection des variations des caractéristiques sexuelles dans son plan national LGBT+ et dans le code pénal islandais. La Finlande a également amendé sa législation nationale pour que le changement d’état civil soit désormais basé sur l’autodétermination des personnes transgenres demandeur·se·s.

L’Espagne, quant à elle, fait un grand bond en avant avec l’adoption début 2023 d’une loi qui reconnait le droit à l’autodétermination des personnes transgenres et interdit à la fois les opérations génitales mutilantes sur les mineurs intersexes tout en introduisant un volet protégeant les personnes intersexes dans la loi anti-discrimination espagnole.

Des sujets majeurs que la France refuse toujours de traiter

Alors que nous espérions, à la suite de la nomination d’un ambassadeur dédié aux questions LGBT+, voir la France moteur sur la scène internationale pour défendre l’égalité des droits des personnes LGBTI+ partout dans le monde, force est de constater que cette nomination ne fut qu’un énième coup de communication de la part du gouvernement. 

En effet, bien que nous ayons alerté à plusieurs reprises le gouvernement de la situation catastrophique pour les personnes LGBT+ de Pologne et de Hongrie, la France a attendu la dernière heure pour se joindre à la procédure judiciaire engagée par la commission européenne contre la loi “anti-propagande LGBT” hongroise.

De plus, à l’heure où, partout dans le monde, nous assistons à un recul des droits humains et une montée du fascisme et de son pendant LGBTIphobe, le gouvernement décide de mettre à l’agenda parlementaire une loi immigration durcissant l’accueil des demandeur·se·s d’asile, au mépris du respect du droit d’asile, et des considérations en termes d’accès aux soins et des droits des personnes LGBTI+.

La profonde dégradation de l’image de la France sur la scène internationale n’est pourtant que la partie émergée de la politique menée par le gouvernement au niveau national, empreinte de laisser-faire dans le meilleur des cas, mais aussi de violences systémiques et organisées à l’encontre des personnes LGBTI+ dans certains autres.

Nombreuses sont les associations de défense des droits ayant constaté (après l’Inter-LGBT l’an passé) ou ayant été menacées de réduction voire de suppression de financements publics. La pression est d’autant plus forte concernant les associations d’aide aux exilé·e·s ou aux travailleur·se·s du sexe alors que nous assistons à une montée des actes LGBTIphobes partout en France.

Comment pourrions-nous envisager que le gouvernement serait l’allié des personnes LGBTI+ lorsque la présidente du groupe « Renaissance » à l’Assemblée nationale se réjouit de rencontrer des personnalités transphobes et participe à la prolifération du discours de haine visant les personnes transgenres ? 

Comment pourrions-nous envisager que le gouvernement serait l’allié des personnes LGBTI+ lorsque celui-ci attend d’y être enjoint par les instances internationales de protection des droits humains pour envisager de déjudiciariser le changement d’état-civil ou de mettre réellement fin aux mutilations des personnes intersexes ?

Comment la France pourrait-elle progresser dans les classements internationaux quand elle place en centre de rétention un exilé homosexuel afghan dont elle sait pertinemment qu’il risque la mort à peine le premier pied posé dans son pays d’origine ?

Comme le déplore entre-autre SOS homophobie dans son dernier rapport annuel[2], la France vit actuellement dans un contexte de hausse massive des actes LGBTIphobes décomplexés, notamment transphobes, en dehors même de toute « actualité législative » susceptible de l’expliquer. Ce contexte est accentué par des médias et réseaux sociaux trop heureux du « buzz » ainsi généré. Il est également légitimé par les plus hautes autorités de l’État. 

Ainsi a-t-on pu assister à une scène surréaliste avec un débat organisé en séance publique du Sénat le 1er février dernier autour des « menaces des théories du wokisme »[3], tandis que l’ARCOM considérait que relevait de l’intérêt général les débats durant lesquels des personnes transphobes déniaient aux personnes transgenres le droit même d’exister[4] : est-il donc admis aujourd’hui en France que des représentant·e·s de nos institutions puissent travailler sur des réflexions luttant contre les politiques d’inclusion et les approches intersectionnelles en matière d’égalité des droits pour tou·te·s ? 

L’Inter-LGBT ne peut que s’alarmer d’une situation dans laquelle les personnes les plus discriminées sont livrées à la vindicte et à l’anathème et dans laquelle la militance pour l’égalité réelle est qualifiée de menace pour la République.

L’Inter-LGBT demeure et demeurera plus que vigilante quant aux conditions d’accès à l’égalité, à la dignité, au respect et aux droits des personnes LGBTI+ en France et partout dans le monde. Plus que jamais, elle réitère nos revendications[5] en ce sens.


[1] https://www.ilga-europe.org/report/rainbow-europe-2023/

[2] https://ressource.sos-homophobie.org/Rapports_annuels/Rapport_LGBTIphobies_2023.pdf

[3] https://www.senat.fr/seances/s202202/s20220201/s20220201001.html

[4] https://twitter.com/ajlgbt/status/1651134748389982208?s=61&t=aCj82u_Os6aKbW9mbS6vUA

[5] https://www.agirpour.org