Rencontre avec le Défenseur des Droits

Monsieur le Défenseur,

Nous n’allons pas nous mentir ou nous renier, l’Inter-LGBT a accueilli la nouvelle de votre nomination à ce poste par le Président de la République avec beaucoup d’interrogations. Au-delà des thématiques lesbiennes, gaies, bi et trans votre carrière politique fut émaillée de positions qui nous semblaient contraire à l’esprit qui doit être incarné par le Défenseur des Droits comme votre opposition à la loi contre le harcèlement sexuel en 1992 ou contre le PACS en 1995.

Malgré nos réserves et celles de nombreux acteurs de la lutte contre les discriminations, les deux assemblées parlementaires, comme le veut la règle, vous ont accordé leur confiance après vous avoir longuement auditionné. Ces auditions vous ont permis de clarifier un certain nombre de vos positions passées. Nous respectons ce processus démocratique et nous vous souhaitons donc bonne chance dans ces nouvelles fonctions.

Mais voila ! Quelle ne fut pas notre surprise de ne trouver aucune mention des thématiques LGBT dans la lettre – portant sur les grands axes de votre action à venir. Alors que sont cités les grands domaines de discrimination, ceux portant sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre, pourtant reconnues dans la loi parmi les 20 motifs de discrimination , ont été oubliés : »Promouvoir l’égalité par la lutte contre les discriminations […] : genre, situations familiales, handicap, âge, dépendance, nationalité, résidence. » Ceci est d’autant plus frappant dans le climat de LGBT-phobies décomplexées depuis les débats du « mariage pour tous ».

Lors de la première réunion du comité d’entente LGBT du jeudi 2 octobre 2014, nous avons cependant entendu votre volonté d’action à l’égard de la lutte contre les LGBTphobies ainsi que votre objectif de généraliser le recours au Défenseur des Droits pour lutter contre les discriminations à l’égard de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre..

Nous saluons les efforts que vous nous avez dit vouloir entreprendre mais nous insistons, à nouveau, sur la nécessité d’intégrer pleinement les thématiques LGBT dans la feuille de route du Défenseur des Droits.

Dans cet esprit, nous attendons des propositions d’action pour lutter contre les inégalités territoriales en matière de justice ; comme la discrépance dans les procédures d’adoption de l’enfant de la conjointe qui varient au gré des juges et des tribunaux, l’incertitude qui pèse sur couples binationaux dont l’un des membres relève d’une des 11 nationalités empêchées de mariage en France, ou encore le flou demeurant quant à l’établissement de la filiation des enfant né par GPA à l’étranger, et ce malgré l’arrêt rendu en ce sens par la CEDH en juin dernier.

Nous attendons également une mise en avant de la question de l’amélioration des conditions de vie des personnes trans. Qu’il s’agisse de votre avis sur la facilitation du changement d’état civil, ou bien sur l’autoconservation des gamètes. Qu’il s’agisse aussi du refus de l’aide juridictionnelle faite à une personne trans récemment, ou encore le plaisir sadique qui consiste à refuser à des étudiants trans la possibilité de changer de prénom, les exposant de fait à un outing systématique.

Nous voulons connaitre votre position face aux inégalités qui persistent encore quant à l’accès la pension de réversion : Aujourd’hui un couple de fonctionnaire bénéficiant de la loi Taubira est tenu à un délai de 4 ans de mariage avant de pouvoir y prétendre alors que cette obligation n’existe pas pour les salariés du privé. Quid également d’accorder aux jeunes couples dont l’un des conjoints disparaitrait, la possibilité de comptabiliser les années de PACS, le mariage étant alors impossible. Au delà d’une mesure d’égalité, il s’agirait d’un acte d’humanité. Enfin, la mise à égalité du PACS et du mariage pour certains droits comme l’adoption est une nécessité.

Au sujet de l’éducation, quelles actions et propositions porterez-vous auprès du Ministère de l’Éducation Nationale de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche pour que celui-ci, désormais dirigé pour la première fois par une femme, ex ministre des droits des femmes et chargée d’une mission interministérielle sur le sujet, porte enfin les questions de discriminations LGBT et de harcèlement LGBT-phobes ?

Nous attendons enfin que vous entamiez un travail sur la question de l’ouverture du don du sang aux personnes homosexuelles ou sur la question des soins funéraires pour les personnes séropositives.

Vous l’aurez compris M. Le Défenseur, nous sommes exigeant-e-s à plus d’un titre. Nous sommes exigeant-e-s parce que le premier Défenseur, Dominique Baudis, nous a donné confiance dans cette nouvelle institution et qu’il vous appartient de poursuivre son action en faveur des droits des personnes lesbiennes, gaies, bi et trans. Nous sommes exigeant-e-s parce que nous considérons le défenseur des droit, aussi bien l’institution que la personne, comme un allié, et qu’entre allié nous devons nous tenir un discours de vérité. Enfin, nous sommes exigeant-e-s parce que la réussite de nos travaux est une obligation ; trop de personnes nous regardent aujourd’hui, en attendant de nous, de vous, la possibilité d’une vie meilleure.